par Emmanuel de Saint-Laurent.
Dans la masse des écrits relatifs à l’histoire de notre village, plusieurs hypothèses sont avancées pour justifier son appellation de Lupé. La plus ancienne rapporte que Marcus Rutilius Lupus, préfet de l’annone de 107 à 113 (c’est-à-dire responsable de l’approvisionnement en nourriture de la ville de Rome, notamment de la « soudure » annuelle de début de printemps) sous les règnes de Trajan et d’Hadrien, aurait installé sur le site une colonie gallo-romaine, connue sous le nom de Villam Lupoicam.
À cette époque, le site présentait une certaine importance stratégique, car il permettait de contrôler pour partie le passage entre la Vallée du Rhône et le Velay. Un peu plus tard, à la chute de l’Empire romain, cette importance fut renforcée par la fait que la voie de Vienne au Puy devint durant plusieurs décennies la limite géographique entre les peuples ayant envahi l’ancienne Gaule : Francs, Burgondes et Wisigoths. Les premières fortifications de Lupé dateraient de cette époque, IVème ou Vème siècle.
Variante à cette approche, le site aurait été choisi comme lieu de festivités auxquelles les Romains attachaient une grande importance, les Lupercales. Célébrées en souvenir de la louve qui recueillit Romulus et Remus, ces cérémonies sont à la fois rites de purification, de fécondité et de protection. Elles pourraient être à l’origine du nom de Lupé.
Seconde hypothèse, la piste mérovingienne prend sa source dans des écrits datant du XVIIème. siècle. Les Lupé seraient un rameau des Luppé d’Armagnac, l’une des six familles françaises descendant officiellement de Clovis par les hommes (à noter que le dédoublement du p est courant dans les textes mentionnant notre village). Du fait de leur position sociale éminente, il n’est pas invraisemblable qu’ils aient laissé leur patronyme au site.

Un détail rend cet indice plus crédible. Il constitue d’ailleurs la première trace écrite dont nous disposons : vers 660, un certain Valdebert de Lupé vole au secours de son oncle Ennemond (alias Chamond), alors archevêque de Lyon, resté dans les mémoires pour avoir le premier fait sonner les cloches des églises. Hélas, Valdebert arrive trop tard pour tirer le prélat d’une embuscade organisée par ses ennemis et ne peut que l’assister dans les derniers moments de son martyre.
Reste une troisième hypothèse, celle qui ferait de Lupé un lieu « investi par les loups ». Deux raisons la rendent peu vraisemblable : d’une part, rien dans la position du site, posté sur le rebord du Pilat, ne le rend plus vulnérable que le reste du massif, bien au contraire. D’autre part et surtout, le loup n’offre une bonne image que depuis l’avènement de l’écologie. Au XIXème siècle, il était encore à peu près l’équivalent du diable.
Bien sûr, les armes de notre village portent ce fauve depuis toujours. Mais la logique veut qu’elles représentent d’abord un guerrier redoutable, non un village entier terrorisé par les canidés. D’ailleurs, l’héraldique montre que, dans la plupart des cas, les armes parlantes reflètent une caractéristique personnelle de celui qui les arbore.
à suivre : Lupé à travers les siècles.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.